Dans la fanga, la sierra péruvienne ou la forêt amazonienne, une rencontre avec ces bêtes dites sauvages souvent beaucoup moins sauvages que la bête humaine incarnée par l’indien bien entendu, mais aussi le chasseur-conférencier ou l’aventurier. Remuant nos racines, ces parodies racontent en toute simplicité la bêtise humaine face à un bestiaire si spectaculaire. Ce chasseur romantique, Julien Clairval, que l’on suivra jusqu’à Varsovie enseignant son art et bien entendu, surtout ce qu’il ne faut pas faire.
«De petits manuels vous enseignent, avec dessins dans le texte, à quelle hauteur du poumon il faut tirer le rhinocéros ou l’orang-outang. Calibre 10 et balles blindées. Tout est prévu : le nombre de boîtes de conserves (asperges et pêches californiennes), le lit-sac, le moulin cylindrique pour le café, la caméra, la blague à tabac, la place exacte pour le Candide de Voltaire et le champagne, excellents toniques après les fièvres. Vous y apprenez quelle est la dernière mode des colliers de négresses au Cameroun. Badigeonnez simplement de teinture d’iode l’endroit où la pire des mouches tsétsé vient de boire goulûment notre sang d’homme à épiderme frêle. Évitez le romantisme et la hâte, la fougue des toreros. C’est parce que Hubert Latham croyait avoir tué son buffle qu’il s’en approcha et ne put éviter l’élan dernier de la bête mourante. Allez-vous laisser ces belles peaux aux vautours, aux fourmis, après vous être fait photographier la botte posée sur le pachyderme ? Ce serait enfantin, voyons.»
Quelque soit le personnage et ses superstitions: guide indigène, ouvrier malade de béribéri, curé pingre, marin moribond, chasseur de tigre, collectionneur de papillons, propriétaire de perroquet mais encore l’homme blanc ne sachant que faire devant le visiteur fauve au seuil de sa maison ni comment interpréter le manguaré, le télégraphe des indiens à son approche alors qu’il vient «prendre livraison d’une âme morte (…) pour la porter dans un corps d’élite vers la chasse éternelle».
Des histoires bien conçues, peut-être parfois cousues de fil blanc mais combien invraisemblables et dépaysantes notamment celle de la guenon merveilleuse au-dessus du troupeau de sangliers sauvages. Parmi les orchidées sanglantes et les papillons éblouissants, la cruauté offerte en thématique, celle des bêtes mais aussi des paysages de contreforts andins, neiges éternelles où se trouve dit-on la plus angoissante des solitudes humaines. La cruauté innommée, innommable que l’on n’a pas vu venir, par exemple la cigale machacui, un papillon-vipère ou une petite fleur qui vole et qui tue. Que d’éléments naturels inclus dans ces contes pour parer à l’ennui du quotidien ou encore à cet «enfer (…) un pays de neige, dépourvu d’alcool et de lamas familiers, où l’on travaille toute la sainte journée sous le fouet d’un alcade nègre.»
De ces allégories singulières, on voit surgir comment la vie sociale des hommes comme des bêtes se ressemble parfois. Presque un petit traité de sociologie condensée ou socio 101. Dépaysement garanti. A lire sur un air de pipeau pour voler haut et fort et rejoindre plus facilement encore les condors…
dimanche 16 novembre 2008
La bêtise humaine plus grande que nature face au bestiaire sauvage ou ces bêtes dites sauvages...
Ventura Garcia Calderon. Ces bêtes que l’on dit sauvages… L’ami de poche Casterman. 1982, 106 p. Traduit de l’espagnol par J. Fourel, illustré par Patrick Morin. Coup de coeur!
Contes péruviens succulents présentant le bestiaire des Andes mais comment ! En effet, condor, serpent, lama, sanglier, perroquet, singe moqueur, toute une panoplie d’animaux dont la dynamique s’avère de page en page pour le moins imprévisible sinon farfelue, à nos yeux occidentaux.
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